Depuis l’ouverture de ma page Instagram, j’ai bâti chacun de mes projets sur deux préceptes.
Le premier, c’est l’idée que, dans la vie, il y a des occasions qu’il faut savoir saisir, au moment où elles peuvent être saisies. C’est sur cette idée et les événements qu’elle implique que j’ai bâti mon envie de développer mon univers culturel.
Le deuxième, c’est une phrase que j’ai lue et qui dit que ce qui ne te fait pas peur ne te fera pas grandir.
Quand les éditions Nouveaux-monde m’ont contacté et proposé de rencontrer Mishka Ben David, j’appréhendais. Fort. Pour la première fois, j’allais être seul.
Mais ce qui ne fait pas peur, ne fait pas grandir. Et tout est affaire d’opportunités à saisir.
Je me suis donc retrouvé, au café « le Dandy » à Lyon, à rencontrer un homme que je ne connaissais pas le mois précédent, pour une rencontre d’environ une heure.
Duel à Beyrouth n’est pas le premier roman de Mishka Ben-David. En réalité, quand je lui ai demandé la genèse de l’écrivain, il m’a répondu qu’il écrit depuis ses 7 ans et qu’à ses yeux, l’écriture est naturelle, si bien qu’il est incapable de se rappeler comment il a appris.
Sa première production écrite relatait un match de foot. Mais pas n’importe lequel. Celle d’une victoire de son équipe favorite, qui enchaînait les défaites. Il s’est alors dit « et si je les faisais gagner ? ». Ainsi est né l’écrivain. Comme bon nombre de ses confrères, ses premiers écrits étaient pour lui seul, et il faudra attendre la guerre de Kippour en 1973 pour qu’il commence à destiner ses productions aux autres. C’est à cette période qu’il écrit son premier roman publié, I did not see happy soldier, qui raconte le quotidien des soldats au cœur du conflit.
Il écrira ensuite un roman pour chaque période de sa vie, en mettant, à chaque fois, un peu de lui dans ses personnages. Il se tourne ensuite vers l’enseignement, qu’il met de côté pour devenir agent du Mossad, les services de renseignements israéliens. Le Mossad fait partie de ce type d’organisation sur laquelle j’ai longuement fantasmé. En réalité, et après la lecture de Duel à Beyrouth, je me rends compte d’à quel point l’idée que je m’en faisais était fausse.
L’intrigue principale étant centrée sur le face-à-face de deux agents de cette organisation, c’est tout naturellement autour de cette thématique que j’ai orienté une bonne partie de mes questions.
Mishka Ben-David est entré au Mossad par conviction. Celle d’un fils de parents ayant survécu à la Shoah, convaincu qu’il fallait une force complète pour protéger Israël. Et pour comprendre le fondement de cette conviction, il faut remonter à l’origine de cette organisation. Bien qu’ayant eu d’autres noms et d’autres formes, le Mossad tel qu’il existe aujourd’hui est né en 1949, avec pour objectif de coordonner et d’organiser les services de sécurité intérieure de renseignements militaires. Encore enseignant, Mishka Ben-David avait cette impression de ne faire les choses que pour lui, quand il a eu envie de faire ce qu’il lui semblait le mieux pour Israël. Pour lui, ce n’était pas le moment de simplement enseigner.
Il participera activement à plusieurs opérations spéciales, et sera notamment au cœur du sauvetage de Khaled Mechaal, alors dirigeant de la branche jordanienne du Hamas. Mishka Ben-David prendra la décision de quitter le Mossad après 12 ans de service. En cause, un enfant, qu’il entend bien voir grandir. Comme il le dit lui-même, « le temps passe et ne se rattrape pas ».
Aujourd’hui, il est l’auteur, entre autres, de 12 romans dont 3 ont été traduits en anglais. Duel à Beyrouth est le premier traduit en français. Et, tout comme il l’a fait durant notre rencontre, Mishka Ben-David casse les codes et les démystifie. Avec ce premier livre, il montre que l’espionnage n’est pas celui que l’on fantasme à travers James Bond ou Ethan Hunt. Comme il me l’a dit, être espion ce n’est pas être le plus fort. Ce n’est pas être le plus courageux ni le plus rapide à tirer. C’est apprendre à être patient et précis. « Brave, but conscious ». Savoir approcher une cible, savoir quand elle est hostile, et pouvoir faire son rapport le plus précisément possible pour que d’autres prennent le relais si nécessaire. Savoir manipuler sans pour autant se laisser manipuler. Mais sans patience, impossible de seulement envisager de faire partie de l’organisation.
Et c’est ce qui transparaît dans le livre. Toute cette patience et cette attention particulière au moindre détail. Paradoxalement, il avoue que Duel à Beyrouth est le livre dans lequel il a mis le moins de lui-même, car il s’est inspiré de faits réels.
Finissons sur une bonne nouvelle pour toutes les personnes atteintes du TOC de la saga, aucune suite n’est à prévoir, pour aucun des romans. Son œuvre ne contiendra que du one-shot.
Au-delà de l’opportunité (pour laquelle je remercie encore Yannick Dehée et Julie Roche, mes interlocuteurs des éditions Nouveau-monde), cette rencontre aura autant fait grandir ma passion pour le milieu littéraire que mon envie de continuer à organiser ce type de rencontre. Inconnu de mon monde il y a encore un mois, je quitte ce café en me disant que Mishka Ben-David est à l’image des personnages de son roman, que l’on peut décrire grâce au plus simple, au plus général, mais pourtant au plus parlant des qualificatifs. Tout simplement humain.
Quand j’ai fait mes recherches sur vous, j’ai appris que vous aviez sauvé un dirigeant du Hamas que vous aviez pourtant réussi à empoisonner. Je trouve ça fascinant et incroyable, parce que je me suis demandé combien de personnes auraient fait ça ?
«Absolument tout le monde. Dans la vraie vie, des agents comme James Bond n’existent pas. Vous n’êtes pas tout seul. Ce qu’il s’est passé, c’est qu’on a tenté d’assassiner Khaled Mechaal par empoisonnement, ce qui aurait laissé le temps à l’unité de quitter les lieux. Sauf que durant cette opération, deux agents du Mossad ont été capturés. On aurait pu laisser faire et se dire que, tant pis, il était déjà presque mort. Mais vous n’avez jamais toutes les informations ni tous les tenants et aboutissants d’une situation. C’est l’intérêt d’avoir une équipe. Entre temps, la Jordanie a menacé Israël de représailles, en plus de menacer d’exécuter les deux agents. Donc, quand j’ai reçu un coup de téléphone me disant que je devais amener l’antidote à deux agents jordaniens, je l’ai fait. Et personne n’aurait fait différemment parce que c’était la seule bonne chose à faire »
Signé Franck alias @le_lecteur_suricate pour le QuartierNoir.
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