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Photo du rédacteurQuartier Noir

Chronique d'une rencontre : Pascal Engman

L’année dernière, j’ai eu l’opportunité à l’occasion du salon des Quais du polar de rencontrer Mishka Ben David, auteur de Duel à Beyrouth, l’espace d’une demi-heure afin d’évoquer son parcours et son roman. C’était ma première interview d’un auteur étranger, réalisée avec le soutien des éditions Nouveau-monde. Une occasion saisie d’aller au-delà de la simple passion de la lecture et de revêtir, l’espace de quelques minutes, la casquette du blogueur. Un an plus tard, j’ai, à nouveau, l’occasion d'interviewer un auteur étranger. Après l’Israël, place à la Suède, en compagnie de l’auteur de Féminicide, Pascal Engman. 





Je retrouve l’auteur, sur les côtés du palais de la bourse, un samedi matin. Et c’est en cherchant un endroit où faire l’interview, après avoir échangé trois mots en français, qu’on commence à discuter de l’auteur et de son parcours.


Fils d’un père immigré né au Chili, Pascal Engman est inscrit par ses parents dans l’un des meilleurs lycées de Stockholm. Issu d’un milieu plutôt modeste, il se mêle à la haute société suédoise, ce qui le rend à l’aise dans tous les milieux sociaux, et explique, selon lui, la mixité sociale présente dans son œuvre littéraire.


De nature plutôt autodidacte, il ne fera pas de cursus universitaire précis, vivant de petits boulots de serveur, allant jusqu’à être employé par une boîte de nuit en Grèce, alors qu’il suivait une petite amie de l’époque. Son envie de journalisme lui vient de son grand-père, grand rédacteur en chef d’un journal suédois. Sa seule envie, ne pas être comparé à lui. Alors Pascal Engman envoie des articles qu’il écrit, et qui sont refusés. Jusqu’à ce qu’un petit journal du sud du pays lui propose un entretien. Il s’engage dans un périple de 600 km en voiture. Une idée folle qui lui permet d’être repéré par le directeur, qui se décide à l’embaucher après avoir d’abord annoncé qu’il ne pourra pas lui donner de travail. A force de portrait de pêcheurs locaux, le barman devient journaliste.


L’auteur naît plus tard. Alors qu’il travaille pour un journal de Stockolm, l’Expressen, une série d’articles sur l’immigration déclenche une vague de menaces de mort ainsi qu’un attentat à la bombe artisanale. A l’origine de tout ça, un groupe néo-nazi. Et alors qu’il enquête sur la radicalisation et l’ultra violence, lui vient une idée. Celle de décrire l’itinéraire de trois jeunes d’ultra-droite. Patrioterna, qu’on peut traduire par Les patriotes, est publié en 2017. Le journaliste devient alors romancier.


En France, il faudra attendre 2024 pour le découvrir, avec le second tome des aventures de l'inspecteur Vanessa Frank, dont le nom de famille est un hommage à Richard Frank, l’homme qui lui a permis de devenir journaliste. Inspirée d’une véritable policière, ancienne ballerine, toujours en activité, c’est elle qui est (en partie) derrière le réalisme des procédures et de l’aspect policier des romans. Et son personnage, il y tient, n’ayant pas encore prévu d’en finir avec elle. Sa série compte aujourd’hui 6 tomes, un septième sortant cet automne en Suède. En parallèle de cette saga, il s’amuse également à écrire des romans avec une bande d’amis. Juste pour le plaisir. Ils en ont pour l’instant écrit 3.


Mais pour en revenir à Pascal Engman, sa véritable force dans ce premier roman traduit reste, à mes yeux, cet aspect sociétal sur un sujet dont on entend beaucoup parler, mais dont on ne sait finalement pas grand-chose. Et ça, c’est ce qui intéresse l’auteur. Choisir un thème qui le touche, sur lequel il va enquêter, se renseigner pendant 6 mois, pour ensuite écrire son roman en un trimestre. Un temps d’écriture très court, permis par une grande organisation en amont. Sans totalement retirer l’improvisation, il met en place un long synopsis avant même de poser le premier mot. Mettant en place son squelette avec une dizaine de phrases par chapitre, lui donnant un point de repère constant sur son avancée. Une fois cette ébauche terminée, il commence la rédaction. Qui se trouve facilité et quasiment en pilotage automatique, son passif de journaliste lui ayant donné les clés pour écrire des dialogues vivants. Son maître-mot est un mot qu’il trouve qu’il trouve assez vilain. L’Infotainment, ou l’art d’apprendre en se divertissant. Ses romans parleront ainsi d’ultra droite, du mouvement incel, des veuves de djihadistes en Syrie, de trafic d’enfant, de cocaïne ou encore de trafic d'armes fabriquées à partir d’imprimantes 3D. Autant de sujets qui le touchent et qui sont importants pour lui.


En 2024, est donc sorti, aux éditions Nouveau Monde, Féminicide, un roman sur le mouvement Incel. Le genre de livre idéal pour ceux qui cherchent un livre mêlant actualité (l’idée de l’intrigue lui est venue après une tuerie de masse à Toronto en 2018) et fiction. Bien qu’il s’agisse du second tome, il est (presque) totalement indépendant des autres tomes de la série (à un détail près) et ne fait qu’aiguiser la curiosité de revoir cette héroïne. Avec un style très simple mais très fluide et efficace, Pascal Engman immerge son lecteur dans la société suédoise, en cassant totalement les codes de cette littérature, qui ne contient pas la lenteur et la froideur qu’on attendrait d’intrigue de ce genre.


Encore un grand merci aux éditions Nouveau-Monde pour cette confiance renouvelée et cette nouvelle opportunité. Un grand merci à l’auteur pour sa sympathie et ce bon moment passé autour d’un café.



Et puisque j’aime donner de l’exclu, je termine cette chronique sur une anecdote d’écriture. Attention, (très) léger spoiler nécessaire !


“Quand j’ai écrit la fin de Féminicide, je savais que ça devait se terminer sur une tuerie inspirée de celle de Toronto. Mais je n’avais absolument pas prévu ce passage avec l’ambulance. Et je ne pouvais pas laisser place à plus d’improvisation. Par pur hasard, une ambulance passait à ce moment-là proche de moi. Je l’ai arrêté et j’ai demandé s'il était possible de voir l’intérieur. Je me rappelle des deux personnes présentes, légèrement surprise de voir un homme arrêter leur véhicule simplement pour en voir l’intérieur et repartir. Mais sans ça, je n’aurais peut-être pas eu cette scène.”


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