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Photo du rédacteurQuartier Noir

Olivier BAL



Est-ce que tu pourrais nous parler de toi, de ce qui a fait que tu as commencé à écrire… Parle-nous un peu de ta vie, quoi.

Question compliquée… ça risque d’être très long. Aujourd’hui, j’en suis à 7 livres et on va dire que j’écris depuis que j’ai 24/25 ans. Quand je regarde en arrière, l’envie d’écrire a toujours été là, depuis très longtemps, sous pas mal de formes avant d’arriver à l’écriture de roman. Déjà, quand j'étais enfant, vers 8/9 ans, j'embêtais mes camarades à faire des livres dont vous êtes le héros et j’adorais ça. Vers 10/12 ans, j’ai été épris d’images et je me suis tourné vers les courts-métrages. Après le bac, du coup, j’ai eu envie de faire du cinéma, donc à 18 ans, je me suis lancé dans des études de cinéma en parallèle d’un emploi de journaliste free-lance. Le rêve étant de finir réalisateur. Une vaste blague parce que je me suis finalement retrouvé à la Sorbonne, dans un milieu très prétentieux qui ne me correspondait pas du tout. Vous voyez, j’aime le cinéma qui accueille, qui tend les bras. J’aime autant Les Gardiens de la galaxie, que Jean Cocteau ou Ari Aster et ça ne collait pas avec ces gens qui étaient munis d'œillères. D’ailleurs, mon mémoire de fin d’études portait sur le jeu vidéo et le cinéma. J’y parlais de l’histoire comparée du jeu vidéo, du cinéma et de comment l’un était lié à l’autre. J’ai eu la chance de me faire soutenir par Charles Tesson qui était l’ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, et qui est maintenant chargé de la sélection des films de la Semaine de la Critique du festival de Cannes. À cette époque, il était l’un des seuls ouverts d’esprit notamment avec un cours sur le cinéma des arts martiaux et c’était un bonheur. Avec lui, j’ai passé un mois à décomposer Matrix, par exemple. Ensuite, j’ai déchanté parce que c’était uniquement de la théorie. Aucune porte n’allait s’ouvrir, j’apprenais à réfléchir au cinéma, mais pas à le faire. Donc, je suis revenu à l’écriture et j’ai écrit des pièces de théâtre, des scénarios qui doivent être illisibles aujourd’hui. Mais tout n’a été qu’une suite d’étapes importantes pour me construire et arriver à finir un premier roman qui a donc été Les Limbes. À l’époque, j’avais mis une éternité à l’écrire parce que je travaillais en même temps pour un magazine tabloïd qui ne m’a laissé que des mauvais souvenirs. J’étais arrivé plein de beaux idéaux et cette expérience a été désastreuse. Dans mes romans d’ailleurs, Paul Green est le personnage que j’aurais pu devenir si je n’avais pas claqué la porte de ce magazine. Après cette première expérience, j’ai tenté de travailler en tant que journaliste cinéma, en me disant que si je ne peux pas faire de cinéma, je parlerai des films et des réalisateurs que j’aime. Mais les places étaient tellement chères que j’ai finalement trouvé un travail dans un magazine de jeux vidéo…


Il n’y a pas eu que des mauvaises expériences quand même, si ?

Non, mes 10 ans passés à travailler dans le jeu vidéo ont été assez géniales. J’ai travaillé au PlayStation Magazine, puis suis devenu rédacteur en chef de Jeux Vidéo Magazine. C’était un milieu en pleine effervescence. On avait vraiment le temps de rencontrer les gens, et j’ai pu énormément voyager aux USA, ce qui a nourri, avec le recul, la future trilogie Paul Green. J’allais une fois par mois à Los Angeles pour rencontrer des créateurs de jeux dans les studios, mais chaque fois, c’était vraiment en pleine l’immersion. J’ai des souvenirs et des anecdotes incroyables. Par exemple, je peux dire que j’étais sur place quand The last of us a été officialisé. J’ai aussi testé God of War 3 en avant-première mondiale, avec le réalisateur du jeu qui me dit « vous êtes les premiers au monde à tester le jeu et on veut votre avis de joueur, savoir ce qui peut encore être ajusté ». En parallèle de ça, on avait créé un événement culturel avec la Cité des Sciences et de l’Industrie qui s’appelait Les Masterclass jeux vidéo. Pendant près de 6 ans, on a reçu 21 créateurs de jeu vidéo, des grands noms, en direct dans l’auditorium de la Cité des Sciences. On revenait sur leur vie entière. De leurs premiers pas jusqu’aux dernières réalisations. Ça a été une expérience formidable. Des rencontres uniques. Ces Masterclass sont d’ailleurs toujours disponibles sur YouTube.


Et au milieu de tout ça, tes romans qui continuaient à te tourner en tête ?

C’est ça. J’avais quand même toujours cette envie d’écrire qui prenait de plus en plus de place dans ma vie. On m’avait refusé Les Limbes parce que c’était un roman qui dansait entre les genres. Mais j’avais cette envie de créer une histoire libre, et d’avoir un imaginaire qui fasse que je pourrais m’amuser et, en même temps, ne pas me mettre de barrière sur ce qui allait arriver au chapitre suivant. C’était vraiment un thriller fantastique et quand on me demande en salon à acheter mon premier livre, je préviens tout de suite que c’est du fantastique. Je suis bien conscient que les amateurs de polar peuvent ne pas accrocher à cette dimension. Mais Les limbes, c’est vraiment ma déclaration d’amour au genre. Toute ma culture vient du fantastique, tant dans la littérature que dans le cinéma. C’est vraiment une sorte d’hommage à Lovecraft, Dan Simmons, Stephen King… Peut-être même à Barjavel. Le côté explorateur peut avoir été influencé par Jules Verne. Au final, c’est un roman fantastique, mais également un roman d’aventures avec des personnages qui explorent les frontières. Donc, j’ai terminé ce livre, j’ai eu des négociations pendant 1 an et demi avec des maisons d’édition avec qui ça ne s’est pas fait, et c’est peut-être pas plus mal. Et un jour, ma femme me dit un jour : “attends, il se passe un truc avec l’auto-édition, est ce que ça ne te dirait pas de tenter. Au pire, qu’est-ce que tu perds ? Tu veux être lu, c’est une chance de l’être par d’autres personnes que tes amis et ta famille. J’ai donc publié par ce biais et il y a vraiment eu une rencontre. Chaque jour, j’avais des retours. Ensuite, est venu un roman maudit qui s’appelle Mille morts. J’avais été galvanisé par Les Limbes, j’avais déjà prévu la suite, mais je ne voulais pas enchaîner direct. Alors j’ai écrit celui-là, sorti uniquement en auto-édition, mais qui existera à nouveau sous une forme ou une autre. J’en avais perdu les droits et je les ai récupérés, mais, pour moi et pour l’instant, ce serait une forme de pas en arrière que de retravailler ce roman. Je le ferai, mais pour l’instant, je me focalise plutôt sur les nouveaux projets. Donc, j’attaque Le Maître des limbes et cette fois, j’ai eu le privilège de choisir comment le publier. J’ai choisi un jeune éditeur qui avait la volonté d’ouvrir une maison d’édition grand public dans la veine d’un Michel Lafon. Et il voulait que Les limbes soit son premier roman. Du coup, il m’a signé un contrat pour 3 livres : les limbes, sa suite et mille morts. À cette époque, j’approchais de la quarantaine, j’avais l’impression d’avoir fait le tour de mon métier dans le jeu vidéo et je ne voulais pas devenir un journaliste blasé. Je me suis toujours dit “des remords plutôt que des regrets” et j’avais cette impression d’être enfin à la croisée des chemins, que la décision que j’allais prendre allait avoir un impact sur le futur. Donc, j’ai décidé de partir pour tenter, quitte à me casser la gueule. Mais l’objectif était surtout de ne pas me réveiller à 70 ans en me disant « Eh ouais, t’as jamais tenté, t’as loupé ton coche ». On s’est lancé avec De Saxus, qui était une entreprise familiale, et écrivain est devenu mon métier. J’ai travaillé avec eux pendant 2 ans, et je n’oublierai pas que c’est lui qui m’a donné ma chance, mais à un moment est venu l’envie de séduire un plus large public avec le besoin d’une plus grosse maison. J’ai eu plusieurs contacts et l’évidence s’est faite avec XO. Clairement, façon Le Parrain, ils m’ont fait une offre que je ne pouvais pas refuser. Quand tu as Bernard Fixot, le patron de XO au téléphone, qui a créé une maison qui sort 20 livres par an, qui a lancé des auteurs comme Guillaume Musso, Bernard Minier ou Christian Jacq, tu dis oui. Vraiment, ils avaient cette envie commune et collective, et ça se sentait, de défendre les livres. Par exemple, Roches de sang a été lu par toute l’équipe en interne. Voilà un peu mon parcours, et je pense, j’en suis vraiment désolé, que c’est la plus longue réponse de votre histoire ! On fait confiance à notre scribe officiel pour s’en sortir ! Ton parcours est étonnant quand même. Qu’est-ce qui fait que tu es passé des limbes qui est fantastique à Clara Miller qui est vraiment du roman noir réaliste ? Simplement l’envie de me réinventer à chaque roman, de prendre des risques et de me mettre en danger. On a plein d'auteurs en France, qui ne restent pas sur leurs acquis et je voulais être de ceux-là. Les Limbes, il est un peu à part, parce que j’aime vraiment le fantastique, mais ça a été compliqué de trouver un sujet qui n’avait pas été totalement surexploité. J’adorerai faire un truc à la Lovecraft. Mais je n’aurais rien de neuf à apporter. Peut-être que je reviendrai un jour vers le fantastique, mais c’est le sujet qui va me porter. L’affaire Clara Miller a été un vrai pas de côté. J’avais envie de faire un vrai roman noir avec un aspect choral sans les clichés vu et revu. Je voulais un ton différent et j’ai essayé de faire au mieux selon cette envie.

Où vas-tu piocher tes idées, tes constructions de personnages…?

Dans la construction de mes livres, il y a une énorme part de documentation et mon passé de journaliste fait que j’ai un rapport assez obsessionnel à ça. Je passe des mois à me documenter. Après, côté idées, j’ai l’impression qu’elles gravitent autour de moi. Je vais passer pour un narcissique égocentré (rires) mais imaginons que je suis le soleil, et mes idées me tournent autour. Au fil des années, certaines vont se mixer et créer une idée totalement nouvelle, d’autres vont complètement disparaître… Steven Spielberg a dit quelque chose de très beau dans une cérémonie de remerciements. Il a dit quelque chose qui ressemblait à : « Les films sont comme des personnages qui susurrent à votre oreille et quelquefois, l’un d’entre eux murmure plus fort que les autres ». Et c’est un peu mon cas. Même si l’envie première peut venir d’une thématique dont j’ai envie de parler, de lieux que j’ai envie d’explorer, au final, ce sont surtout les personnages qui lancent la machine. C'est-à-dire qu’à un moment, les personnages deviennent essentiels pour moi. Je parle beaucoup du travail de recherche parce que oui, c’est fascinant et très intéressant, mais finalement, c’est très froid. Ce sont vraiment les personnages qui me donnent envie de travailler à fond sur ce roman. Roches de sang par exemple, oui, j’avais envie de parler de grand banditisme, mais le fond de l’histoire, c’est comment on se construit dans l’ombre d’un ogre. Fais-nous un petit pitch rapide du livre du coup. Roches de sang, c’est un roman qui a deux histoires en parallèle. L’une qui se passe en 2019, où on part aux côtés d’une inspectrice d’Europol, qui enquête sur un milliardaire serbe retrouvé mort avec une inscription corse sur la scène de crime. Et une partie en 1993, à une époque où deux frères vont se lancer sur des braquages de yachts. C’est un roman autour de la rédemption impossible, du destin, du temps qui passe et de l’amitié. C’est un livre autour de personnages qui sont perdus et qui vont peut-être se retrouver. Je n’aime pas dire ça, mais c’est sûrement le roman dans lequel j’ai mis le plus de mon cœur. Et au vu des premiers retours, je suis content de voir que les lecteurs ne le prennent pas que comme un thriller. C’est aussi un livre très personnel parce que j’ai un attachement très fort à la Corse. Beaucoup de souvenirs dans le livre sont les miens… et j’avais envie de raconter la Corse que j’aime. Pour en revenir aux personnages et à ma façon de construire mes romans, je peux dire que Roches de sang, ça a été une idée cristalline. Surgie il y a plus de 10 ans, lors d’un coucher de soleil au large de la baie de Porto, en bateau. Là, j’ai eu l’idée de ces deux petits malfrats qui vont se lancer dans des braquages hasardeux et découvrir quelque chose qui va changer leur vie. Vraiment, l’idée était claire dès le départ. Mais il m’a fallu 10 ans pour que le roman naisse. Et je pense que c’était nécessaire parce qu’un thriller ne tient quasiment que par ses personnages. Tu peux avoir un auteur qui sorte un roman à la mécanique la plus parfaite qui existe, si les personnages ne sont pas attachants, tu peux passer à côté. En tant que lecteur, je veux vibrer pour les personnages donc j’essaie de retranscrire ça quand je suis l’auteur. (Nono) Je me souviens quand j’avais lu Clara Miller, je m’étais dit que même les personnages que j’étais censé détester, je n’y arrive pas parce qu’ils avaient un truc. C’était l’idée. Comme dans Roches de sang, j’adore ce genre de personnage ambigu. D’un chapitre à l’autre, tu peux être dégoûté par un personnage, puis le comprendre et presque l’excuser. Tu sais déjà, quand tu écris ton roman, si ce sera un one shot ou une série ? J’ai envie de dire oui, mais en fait non. Clara Miller aurait dû être un roman indépendant. Je voulais cette liberté et je l’avais revendiquée avec XO. Après, j’ai réalisé que je pouvais l’avoir avec un personnage récurrent. Mais à la base, Paul Green ne devait pas revenir et c’est le retour des lecteurs et lectrices qui ont fait que je lui ai donné une suite. Quand il est sorti, j’ai eu l’impression que tout le monde me parlait de Paul. Et de Flash, son chien. Même ça, c’est complètement fou. J’ai des lecteurs qui me parlent du chien. Mais, bref, à la base, je sais où je vais et j’ai un plan assez détaillé. Là, j’ai mon prochain livre, j’ai déjà une idée assez précise de là où je veux aller. J’ai ma thématique, ma trame et le chemin des personnages. Comme je disais tout à l’heure, je veux que mes héros traversent un chemin. Positif ou négatif. Je veux qu’ils changent et que vous viviez quelque chose avec eux. On se construit tous au fil des jours et je veux que pour mes personnages, ce soit pareil. Et même au-delà de ça, j’aime écrire des récits choraux avec plusieurs voix et plusieurs temporalités, donc je suis obligé d’avoir une mécanique assez précise. Je ne pars jamais à l’aveugle. J’écoutais récemment un podcast avec Joël Dicker, où il disait qu’il se laissait porter au fil de l’eau. Je serais incapable de faire ça. Mais il est vrai aussi que j’ai réalisé que je me ménage beaucoup de marge de manœuvre au cas où un personnage prendrait plus de place que prévu. Dans Méfiez-vous des anges par exemple, il y a un personnage qui s’appelle Rafa, qui était vraiment censé être un second rôle et juste aider la policière Sarah, sur un chapitre. Et c’est finalement devenu l’un des trois narrateurs, voire le plus important. Je trouve que c’est son récit qui correspond le plus à l’histoire d’émancipation que je voulais raconter à travers ce livre. Heureusement que j’ai laissé cette porte ouverte. En fait, il y a aussi ce truc que j’ai en tant qu’auteur, c’est qu’il y a des scènes que j’ai envie de raconter. Pas forcément des grosses scènes d’action, mais parfois des scènes d’émotions. Et souvent, ce ne sont pas celles que les lecteurs retiennent. Même si je m’investis dans chaque scène et chaque chapitre, il y a des scènes plus que d’autres que j’ai envie de vivre. Mais après, tout le plaisir que tu prends à écrire se ressent quand même à la lecture. Mais du coup, Roches de sang, one shot ou pas? Justement, là est la très bonne question. Lui, c’est vraiment un one shot. Ceux qui le liront sauront pourquoi. Dans ce livre, j’ai encore eu des journalistes qui m’ont dit “on a adoré *ce personnage*, on aimerait beaucoup que *ce personnage* revienne”. Et moi, je suis là, à leur dire que non, pour moi ce personnage a accompli ce qu’il devait accomplir, pour moi son chapitre est clos. Par contre, ce qui n’est pas impossible et qui pourrait être rigolo à faire, c’est une saga à rebours. Déjà, la Corse, je l’aime tellement que ce n’est pas impossible que je resitue un livre là-bas, mais surtout, j’ai la généalogie des Biasini sur cinq générations. Donc avoir plus tard l’histoire du père ou du grand-père pourrait être intéressant à écrire. Mais ce qui me fait peur, c’est qu’on sortirait du thriller. Il y aurait des choses intéressantes à raconter, mais ça deviendrait davantage une fresque sur le grand banditisme qui remonterait quasiment à la French Connection. Et le prochain est déjà prévu pour être un one shot ? Oui, je repars sur un indépendant. Par contre, pour le futur, j’ai toujours Paul, qui attend avec son chien et ce n’est pas impossible qu’il revienne un jour. Tu vas bien nous le faire revenir en Corse… Des gens m’en ont déjà parlé. Mais t’imagines le Ricain de 50/60 ans débarquer en Corse sans parler un mot de Français. Après, c’est le risque, quand les gens s'attachent à ton personnage. À la fin de Méfiez-vous des anges, on a bouclé quelque chose et il y a eu un truc assez fort. Paul, pour moi, c’est le personnage que j’aime abîmer au fil des romans et voir jusqu’où il peut aller. Je n’ai pas encore l’impression d’être allé au bout, d’avoir atteint ce point où il baisse les bras. Il reste encore peut-être un livre à faire. Je ne sais pas encore. Le pauvre prend déjà tellement cher ! Oui, mais justement, ça sera l’occasion de faire revenir d’autres gens ou… Je ne sais pas, honnêtement, je ne sais pas. Mais il y aura toujours une histoire à raconter. Comment ça se passe quand tu emmènes ton manuscrit à l’éditeur, et qu’il n’aime pas ? Côté édition, j’ai appris à travailler avec XO. Je pourrais raconter cette fois où j’étais arrivé avec un projet qui ne collait pas. C’est devenu plus tard, après l’avoir profondément retravaillé, La forêt des disparus. Je me dis que s’ils n’avaient pas été de si bon conseil sur le projet, j’aurais, au final, eu un livre beaucoup moins fort que La Forêt. Ce ré-aiguillage a été fait à mi-chemin du livre, mais ils ne m’ont jamais dicté mes livres. XO, c’est une maison très puissante mais très familiale aussi. Donc chaque auteur à sa petite recette. Moi ça sera d’une façon, Bernard Minier d’une autre. Personnellement, je leur parle de mon livre, et si je vois l’envie, je leur fais un pitch, qui est plus un long synopsis qu’on pourrait appeler Spoiland 2000. C'est-à-dire que je fais un résumé de trois pages où je résume toute l’intrigue. Et je fais à côté de ça, une liste de 5 ou 6 points sur “pourquoi ce roman sera différent d’un autre polar”. Ce ne sont pas eux qui me l’ont imposé, c’est moi qui l'ai mis en place et c’est une mécanique que j’aime bien. D’une part, ça me permet de jauger leur intérêt et ça me permet de jauger mon envie. Je vais passer plus d’une année avec ce livre, donc ça me permet de vraiment savoir si j’ai envie de le faire. Et ensuite, ça donne une espèce de fil rouge que je garde pour guider mon écriture. Si j’en dérive, je réfléchis au pourquoi. Est-ce que ça donnerait une dimension plus intéressante à l’écriture.

Et les chroniques négatives, tu les vis comment ? Globalement, j’ai appris à prendre du recul. Quand j’étais en autoédition, je regardais le moindre commentaire et parfois, ça faisait mal. Maintenant, j’ai appris que je ne pouvais de toute façon pas plaire à tout le monde. J’ai appris que tu faisais le roman que tu avais envie de faire à l’instant T. Tu mets tout ton cœur, toute ton âme dedans et tu ne peux pas faire l’unanimité, c’est comme ça. Mais il faut aussi savoir écouter les critiques quand c’est récurrent et qu'elles sont cohérentes. Il faut aussi savoir se remettre en question, on n’est pas des génies. Mais chaque livre permet de progresser. Rochess de sang, c’est le premier livre que j’écris à la troisième personne. J’avais jusque-là toujours écrit à la première personne et au moment de commencer ce roman, j’ai eu l’impression que je ne savais plus écrire. Mais les chroniques, je les lis toutes. Je ne vais pas mentir, je suis un grand malade. Et ce que j’adore, avec vous, blogueur, c’est qu’il y a une forme de sincérité derrière vos chroniques. Un journaliste, c’est très enrobé et des fois ça ne raconte rien. Alors que, les vôtres, ça vient du cœur. Lire par exemple une chronique qui dit que les personnages continueront à vivre avec ce lecteur ou cette lectrice, c’est le meilleur cadeau que tu puisses faire à un auteur. Et des fois, ça fait aussi extrêmement plaisir de voir qu’on a pu faire passer le message qu’on voulait. Ce qui n’est pas forcément évident dans le thriller vu qu’il peut être noyé dans plein de sujets. Je réalise que des gens aiment avoir un bon thriller bien calibré et bien costaud. Et il faut de tout. Oui et puis quand on aime la littérature noire, on trouve de tout. Exactement. Mais je m’estime chanceux côté chroniques. Je vais beaucoup sur Instagram et je vois rarement des gens défoncer les romans sur ce réseau. J’ai l’impression que ceux qui n’aiment pas, juste ils n’en parlent pas. On sent Franck qui se retient depuis tout à l’heure de lancer le sujet du cinéma. Il ne faut pas ! D’ailleurs, vu qu’on a un pied dedans, pour moi, L’affaire Clara Miller, c’est la déclaration d’amour au cinéma que j’aime et aux grands polars américains. Quand j’ai écrit ce livre, j’ai pensé à James Ellroy, à James Lee Burke et Dennis Lehane. Et d’ailleurs, j’ouvre le roman sur un petit clin d’œil à Scorsese parce que, de mémoire, c’est Sympathy for the devil qui tourne sur un autoradio et mon personnage dit quelque chose du style “Toute bonne histoire commence où se termine par un morceau des Stones”. Et c’est une sorte d’hommage à ce réalisateur dont 7 ou 8 films s’ouvrent par un morceau de ce groupe. Pas ce titre nécessairement, mais souvent Gimme Shelter. (Franck) Après, Scorsese abuse un peu des fois sur la durée des films. The Irishman, je n’ai toujours pas réussi à le regarder. Oui, c’est vrai que certains de ses films sont un peu longs…


(Franck) Par contre, Le loup de Wall Street, c’était quelque chose ! J’adore ce film. Tout autant que Casino, Les affranchis… Globalement, je suis très fan de ce réalisateur. Même Gangs of New York, qui peut être bancal, il a une générosité, une intelligence et surtout une mise en scène complètement folle. (Franck) Dans Les affranchis, je suis archi-fan de la scène culte du resto. Avec Joe Pesci et Ray Liotta. L’intensité grimpante de cette scène, c’est incroyable. Dans Rochess de sang, je rêvais d’une fresque de grand banditisme et tragique. J’aimais l’idée de faire une odyssée. Mon film de chevet, c'est l’impasse de Brian De Palma. Et je rêvais de faire “mon” impasse. Je voulais ce personnage qui sortait de sa vie de criminel et dont la vie ne faisait que le ramener aux mauvais coups. Si vous ne l’avez pas vu, vraiment, regardez-le. C’est le meilleur exemple d’histoire de rédemption impossible. Et vu que tu es auteur de polar, tu es aussi lecteur du genre ou pas ? Oui, je suis lecteur de tout. Je viens de finir Les disparus de Blackmore, d’Henri Lœvenbruck, un roman dans lequel je suis l’un des personnages avec Alexis Laipsker, Niko Tackian et Nicolas Lebel. En gros, je ne sais pas si vous connaissez l’histoire, mais il s’est inspiré de nos parties de jeux de rôle. Il a complètement détourné nos personnages. Pendant 2 ans, on a fait une partie dans l’univers de Cthulhu et c’était génial. Imaginez juste jouer à un jeu de rôle et votre maître de jeu, c’est Henri Lœvenbruck. C’est une parenthèse de bonheur. Un peu comme une veillée, et au fil du temps, dans ce groupe, tu as l’impression de connaître vraiment les autres joueurs. On peut dire que, même si c’est fictif, on a vécu des aventures folles ensemble, des trucs de dingue. Les jeux de rôle sont vraiment chouettes pour ça. Là, dernièrement, on a fini une campagne d’un jeu qui s’appelle Les Encagés, écrit par Tristan L’Homme. C’était absolument génial. Tu incarnes une unité de gendarmerie à Bordeaux, et l’intrigue c’est complètement du genre Se7en. Et ce qui le rend unique, c’est que tu dois respecter toutes les procédures de police. Avec les temps d’attente, les demandes officielles… Alexis Laipsker, qui jouait le capitaine devaiit faire les conférences de presse… Mais là, on s’égare. Pour revenir aux livres, je me suis régalé avec Blackmore. J’ai aussi énormément aimé Un œil dans la nuit. Et là, je suis dans Le silence de Dennis Lehane. Ça faisait longtemps que je n’avais pas lu cet auteur. Il m’avait un peu perdu, mais j’avais adoré sa série Gennaro et Kenzie, Shutter Island, Mystic River… Et là, dans ma pile à lire, j’ai des romans d’Angélina Delcroix, de Marin Ledun et de Victor Guilbert. J’aime bien lire les gens que j’ai rencontré. Récemment, j’ai adoré Les enfants sont rois de Delphine de Vigan, qui n’est pas un polar, mais vu que j’aime bien sortir des sentiers battus... J’ai aussi lu Numéro deux de Foenkinos, qui est un petit bijou d’écriture. Et ma dernière claque, Le mage du Kremlin de Giuliano da Empoli. Il a reçu le prix de l’Académie, je crois, et parle de la montée au pouvoir de Vladimir Poutine, par le biais littéraire. C’est un peu dur au début, parce que c’est un pseudo-journaliste qui va rencontrer l’homme qui a construit Poutine, qui a réellement existé et c’est d’ailleurs quelque chose qui me dérange un peu dans ce genre de livres. Je ne sais plus, à force, ce qui est fictionnel et réel, je vais chercher les infos sur Internet pour savoir ce qui est pipeauté et ce qui ne l’est pas, et ça me sort un peu du roman. Mais les 20 dernières pages, c’est une lecture du monde moderne vu par un Russe, qui sort de notre version occidentale. C’est intéressant d’avoir cet autre point de vue. Et ça m’a d’ailleurs fait penser à certains passages de Sapiens. (Noemi) J'ai entendu beaucoup de bien de celui-là. Il est génial. Sinon j’essaie de lire Le Passage de Cormac McCarthy. J’adorerais, un jour, aller vers ce genre d’écriture qui est ni plus ni moins que l’épure totale. Et là, Le passage, c’est une narration un peu spéciale avec des phases plus rêvées où tu vas comprendre que la fille est un peu schizophrène. C’est long, mais apparemment, c’est génial et il faut s’accrocher. Donc affaire à suivre. Mais voilà, j’ai beaucoup de livres à lire. Un peu comme vous, j’imagine. Oula, oui. tu n'as même pas idée ! C’est génial, ça. Quand je regarde ma bibliothèque, c’est pareil, je me dis que c’est autant d’univers à explorer et il y a encore énormément de trucs à explorer. Tu as des projets d’adaptations pour un ou plusieurs de tes livres ? Peut-être. C’est en discussion, mais pour l’instant rien n’est signé. C’est surtout XO qui va négocier. Mais ça serait génial. J’aime tellement le cinéma que c’est un peu une case à cocher dans la liste de mes rêves. Je vois ça avec Alexis Laipsker, qui a participé çà l’adaptation du Mangeur d’âmes en film. Il a pu se rendre sur le tournage dans les Vosges plusieurs jours, rencontrer l’équipe, les réalisateurs, actrices et acteurs. Il m’a raconté tout ça… Je suis vraiment trop content pour lui. Forcément, c’est le rêve d’arriver sur un tournage et de voir un décor que tu as imaginé prendre vie, rencontrer des réalisateurs qui vont t’expliquer leur vision, voir des scénaristes qui vont trahir ton travail pour en faire autre chose et aller dans des territoires auxquels tu n’aurais pas pensé. Je pense que c’est quelque chose de génial. Par contre, tu vois, un livre comme les Limbes, je pense que c’est impossible. C’est trop ambitieux et à l’époque où je l’ai écrit, je ne me suis fixé aucune limite. Un jour, j’ai discuté avec un producteur à propos de ce livre et il m'avait dit qu'à chaque page, il voyait s’envoler un million de dollars de budget. Et si ça arrivait, tu aurais un casting de rêve ? Non et c’est drôle de voir qu’on a pas du tout les mêmes personnages en tête. Une personne m’a dit un jour qu’elle voyait bien Harrison Ford en Paul Green et dans ma tête, j’étais en train de me dire “non, trop beau gosse”. Tu vois, Paul Green, je le vois comme un petit rondouillard, vieillissant et pas beau mec. D’ailleurs, le personnage le dit un moment, il n’est personne, donc il peut être tout le monde. C’est le mec que tu ne remarques pas et c’est du coup, super compliqué pour un acteur de jouer ce rôle. A la rigueur, il y a un acteur, malheureusement décédé, que j’aurais bien vu dans ce rôle, c’est Philip Seymour Hoffman. C’est celui que j’aurais vu le plus pour jouer ce rôle. Contrairement à d’autres auteurs, je ne fais pas de bible, j’invente complètement mes personnages. Et c’est seulement à postériori que je fais ce jeu d’imaginer le casting. Mais quand j’écris, c’est moi et moi seul.


Papotage de fin de session


Tu as vu The fabelmans?

Oui. Vu en projection spéciale dans un cinéma à côté de chez moi et il y avait un journaliste Gilles Penso, qui était présent. Il est l’auteur de la biographie de Spielberg, Steven avant Spielberg et a fait une introduction du film passionnante de 20 minutes où il a expliqué la vie du réalisateur à travers sa filmographie. Ça jette un nouveau regard sur l’œuvre très touchant. Et cerise sur le gâteau, j’ai vu ce film qui parle de l’amour du cinéma, de famille, avec mon fils, Antoine.

Vous tenez le coup, ce n’était pas trop long? Merci à tous, merci de cette discussion, et plein de bonne lecture à vous. Merci beaucoup à tout le quartier noir. Et vive les livres !


Merci à tous pour votre soutien pour avoir pris le temps de nous lire.




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